mercredi 28 octobre 2015
vendredi 9 octobre 2015
Discours de l'ambassadeur sortant des Etats-Unis en Haiti Brian Dean Curran, le 9 juillet 2003
Publié par siel sur 2 Mars 2015, 15:01pm
Catégories : #PEUPLE sans mémoire...
"Mais pour en revenir à un thème antérieur, la Communauté Internationale ne peut pas sauver la démocratie en Haïti. Cela, les Haïtiens seuls le peuvent."
La phrase avec laquelle Dean Curran termine son discours.
Discours de l'ambassadeur sortant des Etats-Unis en Haiti Brian Dean Curran lors de la soirée d'adieu organisée par la HAMCHAM le 9 juillet 2003 |
Monsieur le Président de la HAMCHAM
Messieurs/Dames les Membres du Conseil d'Administration de la Chambre de Commerce Américaine d'Haïti
Messieurs/Dames les Membres du Cabinet Ministériel
Messieurs/Dames les Membres du Corps Diplomatique
Chers invités, chers amis, C'est un grand honneur d'être avec vous ce soir et de partager quelques réflexions personnelles sur mes deux années et demie passées en Haïti. Je veux remercier Philippe Armand pour son aimable introduction et le féliciter pour les initiatives qu'il a déjà prises en tant que président de la HAMCHAM, notamment la création d'un forum entre les Chambres de Commerce Américaines des deux côtés de l'île.
C'est une preuve de plus que la HAMCHAM est l'association d'entreprises privées la plus dynamique en Haïti.
J'ai eu une proche association avec la HAMCHAM depuis mes premiers jours en Haïti. Une semaine à peine après mon arrivée en Janvier 2001 comme Ambassadeur en Haïti, je m'asseyais avec le Conseil de Direction et son président d'alors, Gladys Coupet, pour commencer mon éducation sur les réalités du monde des affaires en Haïti. Depuis, je n'ai eu que les meilleures des relations avec la HAMCHAM, sous la présidence de René Max Auguste, de Cedrick Bouquety et maintenant celle de Philippe Armand. Pourtant, je me demande comment j'ai pu travailler avec quatre présidents, dont le mandat est d'un an, alors que je suis au pays depuis seulement deux ans et demi. Comptabilité dynamique, je suppose. En tout cas, il y a eu moins de présidents de la HAMCHAM pendant mon temps en fonction qu'il n'y a eu de Directeur Général de Police. Et tous ont été élus dans la transparence et aucun n'a dû fuir le pays.
Philippe et le Conseil m'ont demandé de partager mes réflexions personnelles sur les 30 derniers mois. Et je suis heureux de le faire. A mesure que je réfléchissais sur le thème de mes remarques de ce soir, j'ai dû me rendre à l'évidence que la leçon la plus importante que j'avais apprise durant ces deux années et demie est que je ne savais pas grande chose, que j'avais encore beaucoup à apprendre. Je sais et je comprends certainement que le pays est en proie à une crise fondamentale depuis quelque temps. Bien que nous autres de la communauté internationale ayons tendance à nous concentrer sur la crise politique, je comprends aussi que la crise est beaucoup plus profonde. Elle est aussi économique; elle est aussi humanitaire; et elle est aussi morale.
Et à mesure que j'essaye de comprendre ces crises, ma logique américaine y voit des inconsistances et des incohérences.
Commençons par la crise politique.
Les aspects fondamentaux sont connus de tous. Fraude électorale. Violation des droits humains. Intolérance. Impunité. La solution est aussi connue de tous : de nouvelles élections. Mais comment en arrive-t-on là ? Les négociations ayant (pris fin) au cours de 2002, l'OEA a par la suite tracé une feuille de route menant aux élections. La Résolution 822. La Communauté Internationale a peaufiné et interprété cette feuille de route en un document de la délégation de Haut Niveau OEA/CARICOM qui est venue en visite en mars dernier. Cette approche a été reprise par l'Assemblée Générale de l'OEA à Santiago. Ce que je n'arrive pas à comprendre c'est la raison pour laquelle le gouvernement ne saisit pas l'occasion offerte par les efforts que fait la Communauté Internationale pour trouver une issue à l'impasse politique. Ce qui est demandé n'est pas une capitulation ou une réforme en profondeur, mais le changement. Des signes clairs et concrets que les violations des droits humains, l'intolérance, l'impunité prendront fin pour que des élections non frauduleuses puissent avoir lieu. Ce qui est demandé n'est pas excessif. Comme l'a remarqué un éminent ministre des Affaires Etrangères du CARICOM : « Ce qui est demandé est ce que ferait n'importe quel gouvernement décent. »
Si le gouvernement n'agit pas bientôt, l'OEA devra réévaluer son rôle. Une telle réévaluation a été proposée par le Secrétaire d'Etat Colin Powell à Santiago et acceptée par l'OEA dans la Résolution 1959. Il n'est pas possible de prédire ce que seront les résultats de cette réévaluation. Personnellement, je ne crois pas que l'OEA voudra ou pourra conclure d'abandonner Haïti. Je ne crois pas non plus que l'OEA voudra transférer cette patate chaude qu'est Haïti aux Nations Unies, déjà surchargées. Ce que je crois qui en résultera sera une redéfinition du rôle de l'OEA qui pourrait inclure un effort renouvelé de la part de l'OEA de négocier une entente.
Ceci met en relief une des incohérences fondamentales dans l'approche haïtienne à la crise politique : le sentiment, ou l'espoir, ou la crainte que la seule solution en serait une imposée internationalement. L'OEA, les Nations Unies, Les Marines, tout ça, pour moi, n'est qu'un laborieux marronage. Il incombe aux Haïtiens la responsabilité de trouver une voie de sortie. Une solution haïtienne est la seule qui soit durable. C'est pourquoi je continue de croire qu'un grand compromis historique entre le gouvernement, l'opposition politique et la société civile est nécessaire, même inévitable. Les Etats-Unis et la Communauté Internationale peuvent appuyer un tel compromis, l'OEA peut même faciliter des négociations pour y aboutir. Mais son succès repose sur une entente haïtienne entre Haïtiens. N'est-il pas temps de mettre les partisaneries de côté, de penser au sort du peuple haïtien qui souffre de cette crise, de penser aux enfants d'aujourd'hui, les leaders de demain, qui grandissent dans cette atmosphère de crise et de 'méfiance' ?
Bien qu'il soit vrai qu'il revienne au gouvernement la responsabilité première d'établir un climat de sécurité, je veux profiter de cette occasion pour rappeler à l'opposition politique et à la société civile que nous continuons d'espérer qu'ils s'engagent activement et visiblement dans le processus d'une manière positive et que, une fois les étapes concrètes demandées par la délégation de haut niveau franchies, ils participeront à la formation d'un CEP. La sécurité ne sera pas parfaite, elle ne pourra jamais l'être. Mais toutes les parties devraient démontrer leur volonté de faire partie de la solution et non de contribuer au problème, en agissant une fois que des mesures raisonnables seront en place.
Aux Etats-Unis, nos partis politiques cherchent à unir des points de vue disparates sous une bannière électorale la plus large possible. En Europe de l'Est, c'était une large coalition opposée au totalitarisme qui a fait tomber les régimes communistes les uns après les autres. Par la suite, les diverses composantes idéologiques de ces coalitions sont métamorphosées en partis politiques plus traditionnels de droite ou de gauche. En regardant la Convergence Démocratique aujourd'hui, je crois qu'il serait juste de dire que leur unité demeure remarquable. C'est pourquoi il est difficile pour moi de comprendre pourquoi aujourd'hui, avant d'engager l'inévitable bataille électorale avec Fanmi Lavalas, ils se subdivisent en partis idéologiques. Suis-je en train d'appliquer trop de logique américaine en pensant que 'l'union fait la force' s'applique à la politique électorale aussi bien qu'à autres choses? Peut-être. Mais c'est l'unité électorale qui compte et si c'est toujours possible entre plusieurs partis ou groupements idéologiques, tant mieux. Après tout, la démocratie ne veut pas simplement dire des alternatifs, mais des alternatifs viables.
Il y a une autre incohérence qui m'a beaucoup vexé : l'incohérence dans la manière dont les vues de Washington sont interprétées ici. Ceux d'entre vous qui me connaissent savent bien que depuis mon arrivée ici en tant qu'ambassadeur du Président Clinton, puis du Président Bush, j'ai toujours parlé franchement, clairement de la politique des Etats-Unis et de ce que pourraient être ou non les nouvelles directions de cette politique. Mais il y en avait beaucoup en Haïti qui ont préféré ne pas m'écouter, le représentant du Président, mais écoutaient plutôt leurs propres amis à Washington, les sirènes des extrémistes ou des revanchards d'un côté ou celles des apologistes de l'autre. Ils n'ont pas de fonctions gouvernementales. C'est pourquoi je les appelle les chimè de Washington. Jetez un coup d'oil sur les deux dernières années et si vous en faites une évaluation honnête, j'espère que quand vous voudrez comprendre la politique américaine, vous écouterez mon successeur, un diplomate de carrière éprouvé et cohérent, et non pas les chimères.
Ceci dit, permettez-moi, encore une fois, d'être clair et cohérent concernant la politique américaine en Haiti. Les Etats-Unis acceptent le Président Aristide comme président constitutionnel pour la durée de son mandat qui prendra fin en 2006. Nous estimons que les élections législatives et territoriales de mai 2000 étaient entachées d'erreurs et que le gouvernement haitien a la responsabilité première de les rectifier. Nous avons vigoureusement appuyé les efforts de l'OEA en vue d'arriver à un compromis négocié entre les parties qui doit conduire à de nouvelles élections. Dans le cadre de la résolution 822 de l'OEA, nous avons appuyé une feuille de route pour la tenue des élections et la normalisation des relations d'Haiti avec les institutions financières internationales. Nous continuons d'appuyer la résolution 822 et, en particulier, les demandes formulées par la délégation de haut niveau CARICOM/OEA en vue d'établir des é tapes spécifiques et concrètes pour créer les conditions préalables à la formation d'un CEP crédible, indépendant et neutre chargé d'organiser les élections. A notre avis, le gouvernement n'a pas encore satisfait à d'importants éléments des demandes formulées par la délégation de haut niveau, notamment l'arrestation d'Amyot Métayer qui, en toute vraisemblance, continue de jouir de l'impunité officielle; la professionnalisation du leadership de la PNH, en consultation avec la mission spéciale de l'OEA (nous ne croyons pas que la récente nomination d'un nouveau chef de police satisfait à cette demande); et le lancement d'une campagne crédible de désarmement des escortes illégales et des bandes armées. Si le gouvernement adopte ces mesures, nous nous attendons à ce que l'opposition et la société civile participent à la formation et au fonctionnement du CEP. Les Etats-Unis et, à notre avis, nos partenaires internationaux, supporteront un tel CEP ainsi que l'organisation d'élections libres et justes.
Je pense que tout ceci est clair. C'est-à-dire les objectifs sont clairs même si le processus pour y arriver peut sembler obscur. Pour moi, je crois que le processus comportera un grand compromis historique entre le gouvernement, l'opposition politique et la société civile pour produire les changements nécessaires au sein du gouvernement, dans la police, dans le système de justice et dans l'environnement politique devant conduire aux élections législatives et territoriales. Il est difficile de savoir maintenant si ce compromis sera le résultat de l'appel au dialogue lancé par le Président Aristide le 4 juillet dernier, d'une initiative interne de la société civile ou d'éléments de la société civile, ou le résultat d'un redoublement d'efforts au niveau de la médiation de l'OEA. Les Etats-Unis appuieront les efforts qui visent sincèrement à trouver un compromis devant conduire à des élections libres et justes.
M. Le Président, Mesdames, Messieurs,
Les Etats-Unis sont un pays constitutionaliste. C'est une des raisons qui a fait que les Etats-Unis ont passé à l'action pour restaurer l'ordre constitutionnel en 1994. L'hémisphère est aussi constitutionaliste, ceci est clairement énoncé dans la Charte Démocratique Interaméricaine. Aussi, nous sommes profondément préoccupés aujourd'hui quand nous voyons des ballons d'essai qui prévoient l'amendement de la constitution de 1987 de manière à pérenniser le régime. Après les années de cauchemar de la dictature duvaliérienne, cette constitution avait été élaborée précisément pour empêcher une telle perpétuité. Changer ces éléments de la constitution particulièrement à travers des actes d'un parlement élu de manière douteuse serait, à mon sens, fondamentalement déstabilisant et incohérent et pourrait même mettre en question la légitimité du régime.
J'espère que les têtes froides prévaudront. Et j'espère que l'ultime incohérence, la nostalgie de l'ère duvaliérienne, n'induise personne à appuyer financièrement ou autrement, aucun rôle politique pour Jean Claude Duvalier. Le passage du temps ne devrait pas effacer les crimes. Les pages de l'histoire ne peuvent pas être retournées.
Cherchez de préférence parmi vos incroyablement talentueux jeunes professionnels éduqués à Harvard, Columbia, Stanford, Georgetown et autres universités américaines, à la Sorbonne ou l'HEC, à McGill ou Laval, pour une nouvelle génération de leadership politique, éprouvés dans le creuset des idées modernes, mais maintenant en Haïti, préparant un meilleur avenir pour Haïti et non la pérennité, la nostalgie ou la revanche.
Passons à la Crise économique
La crise économique est une crise que cet auditoire connaît beaucoup mieux que moi. Nous sommes à la troisième année d'une croissance négative, la gourde a baissé de 56% depuis mon arrivée ici le 4 janvier 2001; l'investissement international est tombé à zéro pratiquement, l'épargne domestique est à la baisse, le déficit budgétaire est de 3,25% du PIB pour l'année fiscale en cours, les profits sont à la baisse, les faillites sont à la hausse.
Le récent accord avec le FMI, le Staff Monitoring Program, est un signe encourageant. Mais il y a des voix qui s'élèvent pour le critiquer et introduisent l'incertitude dans le système financier; ceci ne me paraît pas cohérent. Une des raisons principales pour la normalisation des relations de coopération entre Haiti et les institutions financières internationales, c'est d'obtenir les outils, tels les audits indépendants et de subventions de coopération technique, grâce auxquels la bonne gouvernance économique peut être encouragée et renforcée. Le Staff Monitoring Program a été signé le mois dernier et a pris effet dès le 1er avril. Les premiers signes de conformité du côté du gouvernement sont encourageants et une équipe du FMI ici maintenant s'assure que le budget pour l'année fiscale 2004 respecte les lignes directrices du Fonds. Nous devons être vigilants, bien sûr, mais encourageants, si nous voulons bien et bel sortir de la crise économique.
Parallèlement, la reprise des prêts de la BID, après le paiement des arriérés cette semaine, exigera des mesures de transparence accrûe et des audits répétés des dépenses. Ceci est un créneau d'opportunité et Haïti, et la communauté des affaires en Haïti devrait, à mon avis, saisir cette chance d'arrêter le déclin économique et de préparer la croissance.
Mais ceci ne suffit pas. Vous êtes sûrement d'accord avec moi que la clé demeure l'investissement privé. Premièrement, l'investissement international de même que l'investissement local, ne pourra décoller dans un climat d'insécurité. L'impunité des criminels est une pierre au cou de l'économie haïtienne. Deuxièmement, les affaires, le commerce ont aussi besoin d'un système judiciaire indépendant et fort et d'une police qui n'est ni politisée ni corrompue. Quand la justice est à vendre, les droits des individus en pâtissent. Une économie de marché libre dépend des droits de propriété et de l'exécution des contrats. Parfois, des compagnies américaines viennent à l'ambassade pour rapporter des cas où leurs propriétés ont été saisies par des gangsters ayant des affiliations politiques ou simplement par des squatters. Dans plusieurs cas, l'investisseur américain a eu gain de cause au tribunal, mais les décisions ne sont pas exécutées. La loi nous fait obligation d'avertir les autres investisseurs potentiels de ce problème et vous pouvez bien vous imaginer l'effet de douche froide que cela produit sur ceux qui auraient choisi d'investir en Haïti. En fin de compte, c'est Haïti qui bénéficie le plus de l'adhésion à l'état de droit et aux institutions judiciaires renforcées.
Il y a un peu plus de deux ans, tout juste après mon arrivée en Haïti, j'avais eu l'honneur de faire pour la première fois un discours à la Chambre Américaine de Commerce en Haïti. A cette occasion, dont je me souviens comme si c'était hier, l'un des domaines sur lequel je me concentrais le plus était la nécessité d'un dialogue entre le secteur privé et le gouvernement : concerté, structuré, ciblé, mené de manière à débattre de thèmes relatifs à l'investissement, à la création d'emplois, à la croissance et à la diversification de l'économie haïtienne. Hélas, nous n'y sommes pas encore. En fait, nous en avons pour un bon bout de temps.
Tandis que je me prépare à boucler mon terme ici, je suis quand même satisfait de certains pas très importants qui ont été faits vers l'avant. Le développement l'année dernière de l'Agenda national des Affaires, coordonné par le Centre pour la Libre Entreprise et la Démocratie (CLED) avec l'assistance du Centre pour l'Initiative Privé (CIPE), était un de ces pas en avant. Car cet exercice a rassemblé, virtuellement sans exception, toute la gamme des intérêts du secteur privé de Port au Prince ainsi que des villes secondaires, ceux de la production à ceux des industries de service; des exportateurs aussi bien que des producteurs pour le marché local- pour se mettre d'accord sur un ensemble d'actions concrètes nécessaires de la part des autorités publiques pour faciliter les activités commerciales dans le court et le moyen terme. Et la semaine dernière, un autre pas important était fait avec la présentation par le CLED de « Haïti 2020 : vers une nation compétitive ». Ce document va bien au delà d'une simple compilation des divers conférences internationales, ateliers thématiques et séminaires que Forum 2000 a organisés pour 1200 participants.
Mais «Haïti 2020» ne prétend pas être une Bible. Au contraire, il devrait être vu comme une ouvre en cours, comme le lancement d'une discussion vraiment nationale autour de sujets qui en constituent le noyau, un questionnement des actions proposées et un ajustement au niveau de certaines des solutions proposées. En tant que tel, Haïti 2020 n'appartient plus au CLED ou au secteur privé et autres groupes de la société civile qui ont contribué à sa création.L'importante campagne radiophonique qui doit débuter plus tard ce mois autour de ce document -- avec des semaines de présentations et de discussions autour de chaque chapitre, suivi ensuite d'antennes libres aux auditeurs pour qu'ils expriment leurs opinions et puissent discuter -- vise en effet, la formulation de politiques publiques, mais c'est aussi une manière d'écouter attentivement ce qui constitue les priorités pour les autres.
Haïti peut être une nation compétitive, avance «Haïti 2020», mais pour qu'elle le soit, elle doit s'attaquer, de front et avec un consensus national opérationnel, à toute une gamme de tares historiques; éducation et santé, c'est-à-dire le développement du capital humain; l'environnement; une gestion macroéconomique saine, comprenant un engagement réel pour une mobilisation équitable des ressources publiques; la justice et la primauté du droit; la modernisation du système financier comprenant un é largissement, une ouverture vers des entrepreneurs jusqu'ici exclus; la modernisation de l'Etat ainsi que l'éradication de la corruption à tous les niveaux; l'acceptation à bras ouvert des horizons économiques, techniques, sociaux, culturels qu'offre la diaspora haïtienne, pour n'en citer que quelques uns. Plusieurs de ces impératifs sont autant de conditions pour qu'Haïti jouisse des privilèges d'échanges commerciaux élargis compris dans la proposition de loi intitulée "Opportunités de Relance Economique d'Haïti" HERO, si elle devient loi.
Voilà une approche cohérente. Que le monde des affaires accorde ses violons pour entrer en dialogue avec le gouvernement en vue de concrétiser les recommandations de «Haiti 2020» et l'Agenda du Secteur Privé des Affaires.
La Crise humanitaire
Pour moi, la crise humanitaire est différente de la crise économique quoiqu'elle y soit liée directement. Elle est visible dans les statistiques de santé du pays. Une mortalité infantile de 80 pour mille, la mortalité maternelle de 523 pour 100.000. Deux Cent Cinquante Mille (250.000) Haïtiens sont séropositifs et 250.000 autres Haïtiens sont mort du SIDA et de ses complications depuis le début de l'épidémie. Les victimes du SIDA sont estimées maintenant à tout juste moins de 30.000 par an et il y a plus de 150.000 orphelins du SIDA en Haïti. Elle est visible dans le taux de scolarité le plus bas de la région avec un taux d'inscription de 64% au primaire et de 20% au niveau secondaire. Seulement 32% des enfants qui commencent la première année arrivent à la huitième. Vous la voyez aussi dans le taux d'analphabétisation dans les proportions africaines- 48% d'analphabétisation adulte -- beaucoup plus élevé dans le monde rural. En effet, dans l'indice de Développement Humain des Nations Unies publié récemment, Haïti figure à la 150ème place sur 175. Seuls vingt-cinq pays d'Afrique ont fait pire et évidemment Hait est le pays le moins développé de tous les pays de l'hémisphère. Encore plus préoccupant, les Nations Unies ont aussi récemment fait un urgent appel d'assistance humanitaire en raison de la sécheresse persistante dans le Nord-ouest et les sécheresses intermittentes du Nord Est et du Plateau Central. Si donc la situation actuelle périlleuse est en train de se détériorer davantage, nous avons tous l'obligation d'agir.
Aux Etats-Unis, nous voyons les effets de la crise aussi en terme d'un accroissement régulier du flot d'immigration illégale. Pour la plupart, ces immigrants illégaux se dirigent vers la République Dominicaine, la destination traditionnelle. Mais, avec l'économie dominicaine souffrant du plus faible taux de croissance depuis des années et secouée par un scandale bancaire de proportions pharamineuses, la disponibilité d'emplois pour les Haïtiens est pour le moins problématique. D'où la préoccupation grandissante des Bahamas -- où un tiers de la population est déjà haïtienne -- et des Etats-Unis.
Tout juste le weekend dernier, nous avons rapatrié 464 immigrants illégaux à Port-au-Prince. Est-ce le début d'une nouvelle tendance ? vons-nous atteint le seuil critique dans le monde rural où la désespérance et l'espoir l'emportent sur les maigres chances d'un voyage de six jours vers la Floride du Sud dans un bato po pistach ?
Nous autres de la communauté Internationale devrons avoir une approche cohérente à cette crise humanitaire. Les Etats-Unis ont augmenté leur assistance cette année à Haïti. Les zones sources de migration traditionnelle seront particulièrement ciblées par cette assistance.Comme vous le savez, notre programme d'assistance est caractérisé par un refus de traiter directement avec le gouvernement pour des raisons politiques. L'assistance américaine est acheminée au peuple haïtien par le biais des ONG et du secteur privé. Nos amis Européens ont eux aussi décidé de ne pas aider directement le gouvernement d'Haïti à cause de la crise politique. Nos amis Canadiens ont adopté une approche similaire. Mais tandis que nous sommes tous en train de réduire notre assistance au gouvernement, nous devons garder en tête les besoins humanitaires croissants de la population. La communauté internationale aussi doit être moins incohérente dans son approche et j'espère que nos amis continueront et même augmenteront leurs programmes existants d'assistance généreuse directement au peuple haïtien. C'est ce que nous faisons. Est-ce pourquoi nous encourageons la BID à être prête à agir rapidement mais d'une manière appropriée, maintenant que les arriérés sont réglés. La Banque Mondiale ne devra pas être loin derrière.
Dans ce contexte, je note que le gouvernement prépare une nouvelle loi pour gérer le fonctionnement des ONG. Des règlements plus clairs, la transparence dans les déclarations de douane, les exemptions fiscales correctes sont les bienvenues. Mais que ces nouvelles réglementations ne deviennent pas une forme de harcèlement de ces organisations qui font tant pour acheminer l'assistance et l'aide nécessaire au peuple haïtien.
Si nous avons une obligation morale d'aider le peuple haitien, nous devons aussi nous pencher un moment sur la crise morale qui sévit dans le pays.
La crise morale
J'ai été frappé par les deux dernières déclarations des Evêques Catholiques d'Haïti. Le 30 Novembre 2002, ils avertissaient que le navire de l'Etat se dirigeait vers un désastre et préconisaient des mesures de redressement. Le 23 juin de cette année, les évêques allaient plus loin et décriaient la crise morale et éthique croissante sévissant dans le pays, notant que la nation était en péril.
Je suis d'accord avec le diagnostic des évêques sur la crise morale. Je ne comprends pas ce qui est advenu des valeurs morales quand un sénateur critique des déclarations de ses collègues et est ensuite sujet à une intimidation psychologique, est menacé d'expulsion de son propre parti et même d'une interdiction temporaire de départ.
Je ne comprends pas ce qui est advenu des valeurs morales lorsque des sénateurs réclament l'arrestation d'un ex chef de Police parce qu'il a osé critiquer ou « lancer des flèches ». Je ne comprends pas ce qui est advenu des valeurs morales quand des officiels élus profitent de la vente des commodités de base au peuple Haïtien, au détriment des contribuables.
Je ne comprends pas ce qui est advenu des valeurs morales quand les démunis sont encouragés à investir dans une arnaque de coopératives bidons et ensuite perdent tout ou presque tout leur argent alors que les arnaqueurs corrompus se tirent d'affaires avec la complicité de certains officiels. Je ne comprends pas ce qu'il est advenu des valeurs morales de la société lorsque le trafic de drogue est toléré. Et je ne parle pas seulement du secteur public. Ceci est un sujet qui nous affecte tous. Ou du moins, il le devrait. Considérez les résultats d'une enquête qui montre qu'en 2000, trente pour cent (30%) des élèves Haïtiens du secondaire avaient accès à la drogue et que beaucoup d'entre eux en avait usés. Ou alors l'étude de la USAID de l'année dernière qui montre que l'usage de la marijuana et de la cocaïne a augmenté de 30% en un an. Parents d'Haïti ! Réveillez vous! Le problème de la drogue n'est pas un problème de Lavalas, ou du gouvernement, ou des Etats-Unis. Il est devenu votre problème et peut vous ravir vos propres enfants. Mais quelle a été la réaction de la communauté des affaires, de la société civile à ce fléau? Franchement, je ne sais pas. Mais je sais que les trafiquants sont bien connus. Vous êtes probablement au courant d'un sondage récent d'HaitiScopie dans lequel 39% des répondants disaient savoir, avant qu'il ne soit arrêté, que Jacques Ketant était un trafiquant de drogue - oui les trafiquants de drogue sont connus. Ils s'approvisionnent dans vos magasins, vous leur vendez des maisons ou leur en construisez de nouvelles, vous prenez leurs dépôts, vous éduquez leurs enfants, vous les élisez à des postes dans les chambres de commerce.
Cette bataille ne peut être laissée au gouvernement. Sans l'appui de la communauté, nous ne pouvons pas gagner. Mais nous persévèrerons, nous ne pouvons pas accepter l'intolérable, nous ne serons pas complaisants. A cet effet, nous venons une nouvelle fois de révoquer les visas de trafiquants haitiens. Des officiels chevronnés des deux pôles du spectre politique; des agents de police; des hommes d'affaires et leurs familles.
Mr. Le Président, Mesdames et Messieurs
A mesure que nous approchons de 2004, nous devrions anticiper une célébration digne de la portée universelle de l'Indépendance Haïtienne de 1804. Mais au cour de ces crises, particulièrement politique et morale, la célébration encourt un danger. Mon pays, pour ne citer que lui, se considère un cousin historique d'Haïti. Pourtant, nous ne pourrons que très difficilement envisager une délégation de haut rang aux festivités de l'année à venir si la situation ne s'améliore pas, si les conditions ne sont pas créées pour la formation d'un conseil électoral, si nous ne sommes pas assez avancés dans les préparatifs pour les élections en 2004 qui pourraient sortir Haïti de l'impasse. Quant à présent, ce que nous savons qui adviendra en 2004 n'est pas une grande célébration mais plutôt une descente vers une gouvernance à coup de décret. Le parlement actuel, issu des élections contestées de mai 2000, sera en grande partie caduc. La plupart des fonctions parlementaires, y compris l'approbation de nouveaux emprunts de la BID et d'ailleurs, ne seront plus possible. Quel genre de testament cela sera-t-il à la démocratie haitienne, aux héros de l'indépendance?
J'espère sincèrement que ce sombre scénario peut être évité. Le peuple mérite mieux.C'est pourquoi, comme vous le savez, nous avons choisi de concentrer nos efforts de célébration du Bicentenaire sur la profonde culture haïtienne. Le Festival de Vie Populaire du Smithsonian à Washington DC de la mi-juin à la mi-juillet se portera sur Haïti. La culture populaire haïtienne sera présentée au Mall, en plein cour de la Capitale de l'Amérique pour être vue et admirée de tous. Ce sera un grand pas positif pour l'image ternie d'Haïti aux Etats-Unis.
Mais pour en revenir à un thème antérieur, la Communauté Internationale ne peut pas sauver la démocratie en Haïti. Cela, les Haïtiens seuls le peuvent.
YVES VOLEL KILLED
Jean-Pierre Cloutier
Note : Initially published in October 1987 in The Haiti Times. Volel's murder was one of the several political assasinations that marred the post-Duvalier era as supporters of the former regime tried to offset the democratic process.
The leader of the Rassemblement Démocrate Chrétien Haïtien (RDCH), lawyer Yves Volel, was shot and killed on October 13 at 10:45AM, in front of the Recherches Criminelles building, by police officers in civilian clothes as he was protesting the illegal detention of one of his clients. He had convened the press at 10:00 AM in front of the Recherches Criminelles (police headquarters). At the said time, he showed up carrying his lawyer robe, and holding in his hand a copy of the Constitution. He addressed the crowd of local journalists in Creole for about 10 minutes, then as he wanted to speak in English to some members of the foreign press, a group of men in civilian clothes approached Volel shouting "Long live Volel for President!" but started shoving him and shooting in the air. In the chaos that ensued, Volel fell to the ground, a bullet in the neck and another in the chest. Journalists were also shoved, and Télé-Haïti saw its video tape of the incident confiscated. As the shooting had stopped, reporters were kept away from the body of Volel. A wind of panic spread through the surrounding streets and shop owners started closing their doors. The body laid on the ground for about an hour, without the slightest medical attention, and was then taken away to the State Hospital morgue.
Explaining the reasons that brought Mr. Volel to try and obtain the release of Jean Raymond Louis may be left to the deceased himself as he spoke to the press seconds before being shot: "I am presenting myself in front of the Port-au-Prince police headquarters with in my hand the Constitution as the lawyer of Jean Raymond Louis. Last Friday afternoon, at 16:48 PM, as I was coming out of the Income Tax Office, I heard someone calling me. [Ed. Note: the Income Tax Office is adjacent to the police headquarters building's north side, where the detention cells are located.] "Maître Volel! Maître Volel! Maître Volel!" I looked up toward the windows of the cells, I saw someone and had time to take that person's name. His name is Jean Raymond Louis. I asked him how long he had been detained there. He said it had been more than a month. I asked him if he had appeared in court, in front of a justice of the peace, of a government commissioner, or in front of any court of his peers. He replied he had seen no one. I asked him why he had been arrested, and he replied he didn't know, but he had been told it was political. He then asked me to alert the Provisional Electoral Council, but I told him the PEC had nothing to do with it. However, as a lawyer, I'll see what I can do for you. As I was talking to him, I saw his head go down and heard him shout 'Don't beat me! Don't beat me!' Yesterday I heard on the radio the interview with Daniel Narcisse who had been arrested and detained at the Recherches Criminelles talking of an individual named Jean Raymond Louis, and that as he was talking to me they [prison guards] took him from the window and severally beat him up. They later took him to another cell. My friends, the 1987 Constitution for which the people voted, in its Article 25.1 clearly states 'No one can be interrogated in the absence of his lawyer or a witness of his or her choice.' [At this point, a car horn was heard] You may honk all you want, I'll go on talking. This detention is illegal, they can't hold him for more than 48 hours without sending him to court. This is the reason why, as a practising lawyer, and defender of Jean Raymond Louis, I am asking to see Jean Raymond Louis, and to ask the police to respect the Constitution on illegal detention, and to release him immediately. If the police is not satisfied with the Constitution, I know what I will do legally. I talked on Saturday morning with the Under-Secretary of State for Justice who promised me he would see the chief of police to investigate the case. But as I have received no communication from the Under-Secretary of State on the matter at hand, whom by the way I consider as an honest person, but as I have not received any communication from him Saturday, Sunday or Monday, I have the right to believe nothing has been done in the case of Jean Raymond Louis. Right now, I am calling on the press to contribute to the education of the people, to the education of the army. I am calling upon all military of good faith, soldiers, former brothers in arms of mine, to all soldiers and officers, for you to understand that tomorrow, the repressive system that could affect you, your families,your children, brothers and sisters, to you that would like to see the law be respected in Haiti, that the current situation just can't goon. It is our own race and blood, our friends, our brothers that are beating us up, torturing us. The stick with which we are beaten may fall on the big leaders' children tomorrow, even on the big leaders if they are not big leaders any more. So let us all work in discipline so that the law may triumph in our country. I will now go inside, and ask to meet the chief of police to see what he will do in such a case, and in the case of 44 persons inside which don't even have room to sleep.They are beaten regularly. According to the law, this is not a detention canter. After 48 hours, if you are to be detained, it should be at the Penitencier National. So I'll go and discuss this with the chief of police. I know him, and he used to talk among friends, when he wasn't chief yet, that he disagreed with what was going on inside this place under Duvalier. I will ask him if he forgot his discontent now that he is the chief. Thank you." At this point, he wanted to address the few foreign journalists in English, but was cut off by the group of armed civilians coming from the police headquarters. All he had time to say before he was first hit by one of the men was "Mister Jean Louis..."
According to the official version issued less than two hours after the incident, and contradicting every witness statement, Volel would have showed up in front of the police headquarters with a group of armed people. After haranguing a crowd that had gathered for half an hour, a gun shot which was to act as a "signal" for an attack on the police station was fired. Several more shots were fired in the ensuing chaos as, the communique says, Volel and his supporters were trying to obtain by force the release of Jean Raymond Louis. Volel himself was carrying a Colt .45 registration number 21609. The communique was signed by Colonel Grégoire Figaro, Chief of Police of Port-au-Prince. It was quickly picked up by the Haitian Embassy in Washington which assured its diffusion there, reinforcing the authorities' theory that Volel had died as a result of an armed confrontation.
On the next day, it was learnt that the person who acted as a press liaison agent for the RDCH and who was accompanying Mr. Volel at the time of his death was missing.
Yves Volel, 52, was a graduate of the Military Academy, promotion of 1954, the same as Lt-General Henri Namphy. Under the Duvalier regime, he had taken to exile and had returned early after the downfall of Jean-Claude Duvalier. During his 25 years in abroad, spent mostly in New York, he had set up a refugee help committee called "Operation Exodus." His first political allegiances were with the Parti Démocrate Chrétien d'Haïti-PDCH of Pastor Sylvio Claude. But after a divergence of view with Claude, he founded his own party, the RDCH. The party was part last summer during the "Rache Manyok" operation of a group called "Coalition for the Final Struggle." Although his candidacy had not yet been officialized, posters had appeared a few days before his death announcing his intention. He had, last summer, been the victim of a shooting incident as he was driving home on Delmas Road. His car had been shot at, but Volel who always carried a gun (for which he had a permit) had returned fire and gotten away without injury.
Yves Volel acted as civil prosecutor in the trial of Luc Desir, former political police chief under the Duvaliers, held shortly after the regime's demise. He also acted as defense lawyer for CATH trade unionist Auguste Mesyeux last June. Another resounding case in which Volel was involved was the court suit involving himself and Finance Minister Leslie Delatour. The Finance minister had abruptly put an end to Volel's contract as legal advisor to the Minoterie d'Haïti in January 1987, and this without the consent of either the director-general or the board of directors of the Minoterie. Volel had sued for damages to his reputation and asked a symbolic $1 penalty from Delatour. Delatour was suing on the same grounds and was asking $1 million from Volel. The courts had decided in favour of Volel and condemned Delatour to pay the $1 asked by Volel.
On September 30 during a press conference, Yves Volel had called for the people to adopt "legitimate violence" in order to defend itself against the terrorist actions perpetrated by the macoutes who want to disrupt the coming elections. "What is needed is the triumph of popular will. And in order to do so, the people themselves must defend their victory over Duvalierism."
Reactions condemning the killing of Volel came from all sectors of the social and democratic life, at home and abroad. Some insisted on the fact that "normal, free and honest" elections were impossible in light of the Volel "assassination." Others asked for a national day of mourning. The Komite Inite Demokratik-KID, a political pressure group, asked if the Volel incident was what Lt-General Henri Namphy meant as he returned from his back slapping visit to the United States as he stated "Games are over, now we're onto serious business." Pierre Metellus, a renowned Haitian author, called the press from Paris to express his shock and disgust at the news of Volel's death.
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URL: http://www.cyberie.qc.ca/jpc/haiti/volel.html
On this site: May 18, 1997
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